dimanche 7 octobre 2012

Fonte record dans l'Arctique et perturbations du Jet : vers des phénomènes extrêmes ?

Dans la continuité de nos précédents billets sur la fonte de la banquise arctique et ses effets, nous aimerions aborder aujourd'hui la situation actuelle en Amérique du Nord et les prévisions des modèles états-unien et européen à l'échelle de l'Hémisphère Nord pour les prochains jours. Jusqu'il y a peu, les excès thermiques négatifs étaient rarement observés, dûs évidemment à l'anomalie exceptionnelle de température dans le Grand Nord. Cependant, comme dit précédemment, la fonte record de la banquise arctique pourrait bien entraîner de profonds changements dans le climat de l'Hémisphère Nord à travers la perturbation du courant Jet.




Rappelons que le courant Jet se situe et se forme entre les masses d'air polaire au Nord et les masses d'air tropicale au Sud. C'est un vent très puissant dont la vitesse varie en fonction de la différence de température entre le Nord et le Sud. Plus la différence est grande, plus il est puissant. A titre d'exemple, lors du passage de Lothar en décembre 1999, il dépassa les 500 km/h ! Et évidemment, cette différence est plus grande en hiver. Le problème avec la fonte de la banquise arctique, c'est que le conflit thermique devient moins élevé du fait de l'anomalie de température positive et de la rétroaction positive de l'albédo. Dès lors, le courant Jet va se comporter comme une rivière qui ralentit : il méandre.
Jennifer Francis, spécialiste émérite des régions arctiques de l'Université Rutgers (New Jersey) semble être assez claire sur le sujet. Selon les propos qui suivent, "il serait difficile d'imaginer de ne pas avoir un automne et un hiver très intéressants dû fait de l'énergie supplémentaire qui a été libérée dans l'Arctique".


D'après elle, "le courant Jet va onduler très fortement dans l'Hémisphère Nord, atteignant des latitudes proches du Pôle, ce qui le ralentira et plongera les régions concernées par ces ondulations dans des périodes de temps extrême plus longues. Le tout est de savoir où cela se produira."

Il nous paraît évident qu'il faudra constamment surveiller la synoptique de l'Hémisphère Nord durant ces prochains mois, car cela promet d'être épique, dans un sens comme dans l'autre. Si les événements "intéressants" se réalisent, nous reviendrons donc régulièrement sur ces situations. L'une d'entre elle pourrait bien être la descente d'air arctique sur le Sud du Canada et le Nord des Etats-Unis de ces derniers jours. À titre de "mise en bouche", voici une video prise dans le Nord-Dakota :


D'après le site Meteo-World, "Les chutes de neige ont provoqué des pannes d’électricité pour des milliers de foyers dans le Dakota du Nord où on relevait par endroits plus de 30 cm de neige, à Grand Forks on a relevé 8 cm de neige alors que le précédent record datant de 1950 était de 5 cm. Le National Weather Service a même signalé qu’une fine couche de neige avait recouvert les rues de Denver. Ces conditions hivernales sont arrivées très tôt dans la saison, et les chutes de neige à cette époque y sont plutôt rares."
Cette image, prise aussi dans le Nord-Dakota, vaut aussi le détour : 



Si nous regardons la synoptique à l'échelle de l'Hémisphère Nord ce dimanche 07 octobre, nous pouvons aisément voir la descente arctique (carte 850Hpa) sur le Canada et le MidWest. À l'opposé, nous avons une puissante advection d'air chaud sur l'Ouest des Etats-Unis. Ainsi, pour la même latitude, nous avons +12º à Vancouver et -6º sur le Nord des Grands Lacs (toujours au niveau 850Hpa).


Reculons de 2 jours, et nous pouvons voir 2 autres cartes extraites du site Wunderground. Elles montrent à large échelle les différences de température entre le Centre-Nord des Etats-Unis et des Etats comme la Virginie Occidentale. Au milieu, se trouve le front dessiné en bleu (il est possible de voir les précipitations du radar). À large échelle, les températures sont de parfois moins de 5º dans l'extrême Nord alors qu'elles sont encore estivales dans le Sud-Est. A plus petite échelle, près d'Indianapolis, nous pouvons observer des contrastes de 10º sur de courtes distances :



Sont-ce là les événements "intéressants" de Jennifer Francis ? Bien que ces situations soient assez rares, elles ne sont pas exceptionnelles. Cela étant dit, si nous poursuivons notre analyse dans le temps et le futur, nous pouvons observer des prévisions assez stupéfiantes proposées par le modèle GFS (E-U) et le modèle CEP (Europe).D'abord, la carte prévue par CEP pour le 11 octobre (niveau 850Hpa) :


Nous pouvons constater que la bulle froide nord-américaine s'est déplacée vers l'Est, et se situe maintenant sur l'Atlantique. Une autre affecte déjà de nouveau l'Amérique du Nord. D'autres sont à l'oeuvre, principalement en Sibérie. La flèche bleue montre bien le déplacement des masses d'air froides. GFS n'est pas très différent :




Si nous regardons les cartes de pression en altitude, les choses sont encore plus claires. Avec CEP, nous voyons bien que pour le 13 octobre, une multitude d'ondulations se dessinent depuis le continent nord-américain jusqu'en Sibérie, avec des pulsions chaudes et des descentes d'air froid. Ces pulsions chaudes tendent à créer une barrière anticyclonique arctico-sibérienne assez imposante. Evidemment, ceci est une prévision, non une situation mesurée, mais le fait que les modèles osent prévoir cela depuis plusieurs sorties numériques est effectivement "intéressant" et même stupéfiant :


De plus, GFS n'est pas très éloigné :




En conclusion, ces théories, ces situations hivernales, et ces prévisions de blocages tendent à montrer que le temps de l'hémisphère Nord durant ces prochains mois sera tout sauf ennuyeux. La neige dans le Dakota n'est pas anodine et les premières fortes ondulations avec des remontées d'air chaud à haute altitude vers l'Arctique montrent que des phénomènes assez inhabituels, voire extrêmes, seront largement possibles dans un futur proche, comme l'annonce Jennifer Francis. Il est évident que Prévisions Météo Belgique suivra tout cela, et continuera à faire des analyses pour confirmer ou infirmer ces thèses.

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